Avec l’Experimentarium et la Nuit Européenne des chercheur.e.s, le public a accès à une initiative scientifique innovante et ludique, qui a l’ambition de rayonner au-delà de ses frontières. Le tout, au contact de jeunes chercheurs passionnés.
Les sciences exactes et les sciences humaines sont des terrains d’expérimentations fertiles pour les chercheurs qui s’y engagent. Seulement, elles sont souvent perçues comme des disciplines compliquées pratiquées par des scientifiques au langage barbare. Pour favoriser les échanges avec le public, il fallait créer un dispositif ludique, construit avec un discours et des outils de réflexion adaptés. En 2001, les professeurs Nicole Autissier et Daniel Raichvarg, et le jeune médiateur scientifique plein d’avenir Lionel Maillot créent au sein de l’université de Bourgogne (uB) un programme éducatif, culturel et citoyen alors unique en Europe : l’Expérimentarium.

Une manière originale pour les jeunes et les moins jeunes de découvrir le travail des chercheurs.
Vincent Arbelet
L’art de la rencontre
Une dizaine de fois par an, l’Expérimentarium propose de rendre le savoir accessible grâce à des journées portes ouvertes organisées dans les lieux publics ou culturels. Et deux fois par an, lors de rencontres dédiées aux scolaires, du CM2 à la terminale. L’objectif commun : développer un dialogue simple autour de sujets scientifiques entre les jeunes chercheurs et le public. Le principal étant d’apprendre en s’amusant. Pour le facétieux Lionel Maillot, aujourd’hui directeur du réseau des Expérimentarium et de la Nuit Européenne des chercheur.e.s, « l’objectif n’est pas de simplifier la recherche mais de faciliter la rencontre, avec empathie, mettant au même niveau un (jeune) chercheur et le public ». Personnage incontournable du campus et réputé pour avoir un carnet d’adresses aussi épais qu’un bottin, Lionel Maillot souhaite désacraliser le côté scientifique (la blouse, la pipette, la barbe et l’estrade). Il s’agit ici d’incarner le savoir.
L’objectif n’est pas de simplifier la recherche mais de faciliter la rencontre, avec empathie, mettant au même niveau un (jeune) chercheur et le public

Lionel Maillot, directeur du réseau des Expérimentarium et de la Nuit Européenne des chercheur.e.s, et Coralie Biguzzi, en charge de l’Expérimentarium de Bourgogne.
Vincent Arbelet
Apprendre à s’exprimer simplement devant le public
Grâce à des ateliers-discussions de 6-8 personnes, pendant 20 minutes, le doctorant met en situation de façon vivante son sujet de recherche, pour démontrer l’intérêt et les résultats de son étude. Véritable levier éducatif pour développer la curiosité et parfois susciter des vocations chez les enfants, la vulgarisation scientifique est un exercice incontournable pour confronter les jeunes chercheurs au monde réel : non seulement ça les sort de l’isolement de la recherche fondamentale, mais aussi, ça les rassure. Les expériences attestent que la pertinence de la démonstration est aussi instructive pour celui qui dirige l’atelier et celui qui observe. « Ce qui est intéressant avec le public et surtout les enfants, c’est la spontanéité et la naïveté de leurs questions, qui parfois nous permettent de voir des éléments que nous n’avons pas pris en compte », confie spontanément Yannick Lagarrigue, qui prépare sa thèse en psychologie du développement concernant les capacités des jeunes enfants, au laboratoire LEAD (CNRS-UMR5022).
Apprendre à s’exprimer simplement devant le public, concevoir des outils pertinents pour faire la démonstration de son sujet d’étude, sont des solutions que proposent l’Expérimentarium : « une fois sélectionnés, nous formons les jeunes chercheurs en 3 étapes, dont une partie simulation entre eux qui peut être très enrichissante, avant la mise en situation avec le public », précise Coralie Biguzzi, la pétillante et rassurante responsable de l’Expérimentarium de Bourgogne. « La rencontre avec les doctorants et les chercheurs d’autres disciplines nous permet de nous orienter sur des pistes de réflexion encore non explorées, c’est stimulant », rajoute Clémence Bonnet, jeune chercheure en neurosciences au laboratoire CAPS (Inserm-U1093), pour qui la perception des sens n’est presque plus un mystère.
La Nuit Européenne des chercheur.e.s se déploie dans 14 villes en France, dont Dijon.
Vincent Arbelet

Un savoir-faire qui s’exporte
Au total, depuis 2001, près de 400 jeunes chercheurs ont été formés, majoritairement des femmes, pour rencontrer près de 60.000 visiteurs (scolaires et tout public).
En 2015, le Réseau des Expérimentarium est créé avec le soutien de l’État dans le cadre du Plan d’Investissement d’Avenir pour le développement de la culture scientifique. Piloté par la Mission Culture Scientifique de l’uB, la Franche-Comté, la région PACA, la Normandie, la Guyane, la Réunion et récemment la Lorraine puis le Québec rejoignent l’aventure. Un savoir-faire qui s’exporte aussi en Europe et en Asie, bien que les projets ne se soient pas encore concrétisés.
Depuis 2016, chaque année, un festival national des Expérimentarium est organisé dans une ville en France. 2.800 personnes ont pu rencontrer une quarantaine de chercheurs dans des lieux culturels, les établissements scolaires, et parfois même dans la rue !

Grâce à l’Expérimentarium, les jeunes chercheurs peuvent aussi se confronter au monde réel.
Vincent Arbelet
La Nuit Européeenne des chercheur.e.s comme tête de gondole
Depuis 2003, la Commission européenne soutenue par le Ministère de la Culture encourage 350 villes en Europe et 13 villes en France à organiser, en septembre, une Nuit Européenne des chercheur.e.s sur un thème donné. L’équipe de l’Expérimentarium s’occupe de l’organisation de l’événement sur le Grand Campus, pour valoriser les projets de recherche. « En tant qu’enseignant-chercheur, je considère que cela fait partie de notre responsabilité de diffuser nos connaissances au grand public (…), cela créé une symbiose enrichissante d’un côté comme de l’autre », explique avec complicité Daniel Wipf, chercheur en biologie et physiologie végétale dans le laboratoire Agroécologie (INRAE-uB-CNRS), qui étudie le développement des mycorhizes.
Du côté du public, l’expérience permet de comprendre de façon concrète l’étude d’un sujet spécifique, comme avec des films de réalité virtuelle : « on ne pensait pas que la recherche pouvait prendre autant de temps (…), découvrir l’invisible est fascinant », rapporte Antoine, 16 ans, au profil plutôt littéraire. À Dijon, chaque année, environ 2.500 curieux viennent à la rencontre d’une soixantaine de chercheurs passionnés et passionnants. Une expérience participative et ludique qui se développe avec inventivité et décontraction. En 2020, épidémie oblige, l’événement est organisé en ligne autour du thème des Petits secrets nocturnes. Une salle interactive où l’on peut découvrir des chercheurs, dans une mise en scène très simple, qui nous présentent avec quelques objets leur sujet d’étude. Une approche numérique qui rend la recherche plus vivante.
Lors d’un temps d’échange sur le campus dijonnais.
Vincent Arbelet

L’université est un lieu d’expérimentation et d’expression que l’équipe de l’Expérimentarium fait découvrir avec passion et ingéniosité, mettant aussi du cœur dans chaque rencontre. Grâce à elle, les chercheurs sont de plus en plus nombreux à s’investir dans la démocratisation des sciences. Une manière de continuer à désenclaver le milieu de la recherche et développer les esprits critiques. Des interactions qui, en fin de compte, permettent de mieux comprendre le monde dans lequel on vit.
Texte : Charlotte Félix
Photos : Vincent Arbelet
Toutes les photos qui illustrent cet article ont été réalisées avant 2020, sauf le portrait de Lionel Maillot et Coralie Biguzzi.