Lutter contre la précarité menstruelle, elles ont ça dans le sang. Les membres de l’Association Règles Élémentaires œuvrent depuis 2015 à ce que chaque personne dans le besoin ait accès à des protections menstruelles, et que le tabou autour des règles se lève. Ses bénévoles collectent, sensibilisent et mobilisent dans toute la France pour obtenir des millions de protections.
« La dernière fois que je suis allée dans un hôtel, je n’avais pas prévu de protection, et j’ai eu mes règles. Alors j’avais à disposition des boules Quiès, une mini-madeleine et une serviette de bain dans ma chambre, et je me suis dit que c’était quand même fou de ne pas penser à donner des protections ». Pour Laury Gaube, le problème n’était que ponctuel, mais pour près de 2 millions de personnes en France, la précarité menstruelle est un quotidien. Un constat glaçant dont s’est emparée Tara Heuzé Sarmini. De retour d’Angleterre, elle se rend compte que la question des règles est évitée en France et qu’aucune aide ni collecte ne sont organisées. Sans hésiter, elle monte l’association Règles Élémentaires en 2015, portée par quelques étudiants et étudiantes de Toulouse. Aujourd’hui, le collectif a bien grandi : il regroupe une dizaine de salariés, dont Laury Gaube, responsable de la communication et de la sensibilisation de l’association : « L’idée de départ c’était d’aborder le sujet avec d’autres associations qui redistribuent, par exemple, des paniers alimentaires et qui peuvent inclure des protections périodiques, parce que c’est aussi un besoin. Certaines personnes doivent aujourd’hui choisir prioriser leurs achats et privilégier la nourriture à l’hygiène ». Laure précise : « Des mesures ont été prises, comme l’installation de distributeurs sur tous les campus. Mais on s’est rendu compte que les distributeurs ne sont pas forcément accessibles à tous les étudiants et étudiantes ; placés dans des endroits peu stratégiques, ou pas forcément bien alimentés. Donc oui, c’est chouette d’installer des distributeurs, mais il y a un vrai problème de gestion derrière. »
Le nombre de produits recueillis a été multiplié par 770 en 7 ans, passant de 20 000 à 15 400 000 produits collectés.
Des bénévoles et des antennes en France qui se multiplient !
Règles Élémentaires

Organiser sa collecte : les règles sont simples
L’ADN de Règles Élémentaires, c’est la collecte de protections périodiques. Et ça, c’est à la portée de tous et toutes : sur le site de l’association, vous pouvez, pas à pas, organiser votre collecte. Laure nous explique : « notre site fonctionne comme une plateforme de mobilisation citoyenne. Tout le monde peut organiser une collecte en quelques clics. On est là pour accompagner les personnes avec des kits de communication, on leur permet de prendre la parole sur la précarité menstruelle. Ensuite on redistribue les protections à nos associations partenaires sur tout le territoire ». Alors à Paris ou à Châteauvieux-les-Fossés, les collectes, c’est simple comme bonjour. Règles Élémentaires stocke ensuite les produits récoltés, puis les redistribue aux associations partenaires : « Nous, on s’occupe de faire le lien entre les personnes qui organisent et les associations qui vont bénéficier des produits ». C’est rapide et tout en circuit court. Si simple qu’en 7 ans, les collectes sont devenues un phénomène de masse : plus de 3 000 collectes ont été organisées en France. Le nombre de produits recueillis a été multiplié par 770 en 7 ans, passant de 20 000 à 1 5 400 000 produits collectés ! L’équipe et la zone de chalandise ont vite évolué, comme l’a constaté Laury : « On est environ 30 bénévoles, dont la mission est de couvrir tout le territoire, on ouvre des antennes un peu partout en France, on en a aujourd’hui 6 ou 7 ».

Des boîtes à dons mises à disposition pour organiser sa collecte.
Règles Élémentaires
#Changerlesmentalites
L’association récolte des millions de protections certes, mais ne délaisse pas pour autant les actions de sensibilisation. Selon le baromètre réalisé l’année dernière, 1 personne interrogée sur 2 en France considère que le sujet des règles est un tabou, et près de 60 % n’ont jamais reçu d’enseignements sur le sujet. Cela mène à de situations alarmantes : « On reçoit vraiment beaucoup de messages de jeunes filles qui nous disent qu’elles ont eu leurs premières règles, qu’elles paniquent, qu’elles n’osent pas en parler à leurs parents et leur demander des protections. Il y a des situations où si une jeune fille n’a pas reçu d’informations, elle se retrouve à se dire qu’en fait elle est en train de mourir ».

#changerlesregles, la devise de Règles Élémentaires
Règles Élémentaires
Le monde d’après
Face à l’ampleur des collectes, l’association s’empare aujourd’hui de nouvelles missions et répond à de nouvelles problématiques. D’abord, varier les protections pour répondre à tout type de besoin : « C’est un enjeu majeur, surtout quand aujourd’hui de nouveaux produits se développent, comme la culotte menstruelle qui a fait un grand boom. Même s’il y a aujourd’hui des protections réutilisables, ça ne correspond pas forcément à l’utilisation des personnes visées. C’est vrai qu’on va nous dire qu’il suffit d’avoir deux coupes menstruelles et la précarité ne serait plus une question, mais ce n’est pas si simple. Par exemple, une coupe menstruelle pour une personne qui vit dans la rue, cela n’est pas viable car elle ne peut pas la vider, la stériliser, et elle va difficilement avoir accès à des points d’eau ». Le but de l’association c’est de proposer des produits adaptés au flux et à la situation de chacune. Mais l’association ne s’arrête pas là et prend de la hauteur en réfléchissant à l’intégration de mesures fortes au niveau des pouvoirs publiques. Règles Élémentaires a déjà fait passer un décret avec d’autres collectifs pour la transparence de la composition des protections périodiques, qui prendra effet cette année. Ce décret est une initiative du collectif Georgette Sand et de la Fondation des Femmes. Des études alarmantes engagées par le magazine 60 millions de consommateurs en 2015 révèlent la présence de résidus toxiques comme le glyphosate dans les protections hygiéniques. Néanmoins, les emballages des produits n’affichent jusqu’à maintenant pas le contenu précis de ces derniers. L’obligation d’afficher les composants des protections sera un pas, mais la suppression à terme des substances dangereuses est déjà dans l’ordre du jour de l’ensemble des associations.
Pour Laure, le combat ne fait que commencer : « On voit que certains pays comme l’Écosse sont très en avance avec une gratuité de toutes les protections. Nous, on lutte vraiment pour ça depuis le premier jour. Pour l’instant, les initiatives sont majoritairement locales avec certaines villes qui sont super en avance sur le sujet comme à Nantes. La prochaine étape c’est le niveau national, et on va pousser pour ». On croise les doigts pour qu’elles atteignent leurs objectifs, d’ici là vous pourrez échanger lors de VYV Festival avec les bénévoles de Règles Élémentaires, afin d’en savoir un peu plus sur un sujet de société incontournable.
Texte : Paul Dufour // Photos : Règles Élémentaires