Reportage

Résonantes : L’écho providentiel aux violences sexistes et sexuelles

« Nous notre job, c’est de prendre soin des gens et de lutter contre les violences ».

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Les violences exercées sur les femmes constituent l’une des violations des droits humains les plus répandues dans le monde. Malgré ce constat le sujet reste tabou et mal maîtrisé. Des activistes se mobilisent cependant pour faire évoluer les choses. C’est le cas de Diaraita N’Diaye et de son association Résonantes qui œuvrent depuis 2015 pour faire reculer ces violences faites à l’encontre des filles et des femmes via différents médiums. D’ateliers d’écriture en spectacles de slam jusqu’à la création d’une appli plébiscitée à Las Vegas, retour sur le parcours atypique de Diariata N’Diaye, fondatrice de Résonantes et militante au quotidien.

Mettre l’art au service des luttes contre la violence

Le parcours de Diariata et son implication dans la défense des violences faites aux femmes ne viennent pas de nulle part. Diata, le diminutif de Diariata, a subi ce genre de violence en étant mariée de force à l’âge de 15 ans lors d’un voyage au Sénégal.

Elle nous confesse pourtant que son implication a démarré « naïvement dans un premier temps, via l’écriture ». Au départ, elle écrit pour elle, pour se soulager d’un vécu « compliqué » puis rapidement s’engage dans des assos pour donner de l’info et partager son vécu. Elle évolue en parallèle dans le rap et réalise qu’un spectacle qui parle de ces violences serait une bonne façon d’ouvrir le débat et de véhiculer un message positif.

Nous sommes en 2007, Elle a 24 ans et fonde le groupe Dialem (un mot-valise entre dialogue et dilemme), construit autour de ces problématiques à destination des jeunes qui selon elle sont le cœur de cible : « Le public-type ce sont des collégiens et des lycéens. De façon instinctive je suis allée vers eux, car moi quand j’étais jeune, j’ai subi ces violences ». Pour Diata, le constat est simple, si elle avait été au courant plus tôt, cela se serait peut-être passé autrement : « Si à l’école on m’avait parlé des violences, c’est peut-être là que j’aurais trouvé des solutions. On aurait peut-être pu m’aider, et aussi me dire ce que l’on a le droit de faire et de ne pas faire ».

Diariata sait que la figure tutélaire d’un adulte peut être déterminante dans ce genre de situation. Le but avoué de Dialem est alors de balayer des idées reçues chez certaines adolescentes comme : « Mon corps appartient à mes parents jusqu’à ma majorité » ou « Un viol c’est forcément dans la rue, la nuit par un inconnu » etc… Le constat est dur, voire catastrophique cependant, chose positive : « Le sujet n’est pas tabou pour les victimes, c’est pour les autres que ça l’est ».

Diariata sur scène avec son groupe : Dialem

Résonantes

L’écriture comme libération

En complément des spectacles avec Dialem, Diariata met en place des ateliers d’écriture : « Quand j’étais plus jeune j’avais des facilités à écrire, du coup je me suis mis à aider les jeunes de mon quartier à s’y mettre. Je voyais que j’avais cette capacité à aider les autres ». Dans ces ateliers, Diata choisit des thématiques basiques comme les relations filles-garçons, mais se retrouve très vite confrontée à des témoignages de violences. Elle l’explique ainsi : « L’écriture c’est traître, quand tu te lâches sur le papier, il y a plein de choses qui sortent. Ça te dépasse, c’est pour ça que parfois on va raturer ce que l’on ne veut pas dire. C’est d’ailleurs souvent là où c’est le plus intéressant ». En appliquant ce qui l’a libéré plus jeune, Diata ouvre une boîte de Pandore en recevant quantité de primo témoignages de violences via le biais de ces ateliers.

« Si à l’école on m’avait parlé des violences, c’est peut-être là que j’aurais trouvé des solutions. On aurait peut-être pu m’aider, et aussi me dire ce que l’on a le droit de faire et de ne pas faire »

Résonantes

De ce constat observé sur le terrain naît l’obligation de répondre au plus grand nombre : Comment faire pour aider un maximum de jeunes sur la question des violences ? Comment peut-on adresser un message fonctionnel à leur endroit ?

Diata ne peut pas se démultiplier et faire des ateliers avec toutes les jeunes de France. Des outils existent déjà certes, mais ils ne sont pas toujours adaptés : « Pour connaître les jeunes il faut traîner avec eux, moi je viens de l’animation, je sais comment on leur parle, ce qui les séduit. Si on veut leur parler des violences il faut que ce soit stylé, car le style ça compte. Il faut aussi que ce soit simple et rapide, il faut aller vers eux ». Voilà en quelque sorte l’acte fondateur de Résonantes en 2015. L’essentiel de l’association est d’abord articulé autour des activités déjà existantes : la prévention avec les spectacles et les ateliers d’écriture. À quoi s’ajoute la création de contenus « buvables » pour les jeunes et utilisables par les différents acteurs encadrants (profs, éducateurs, etc…). Et, enfin, la création de l’appli App-Elle en 2015.

Si on veut parler des violences aux jeunes, il faut que ce soit stylé, car le style ça compte.

L’appli App-Elle est disponible sur les toutes les plateformes de téléchargements et est gratuite.

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Il y a une appli pour ça

L’appli App-Elle, inventée par Résonantes c’est la solution grand public pour répondre aux problématiques des violences. Elle donne de l’information comme les adresses des structures locales à proximité, des contacts utiles, bref des conseils car Diariata le précise, à juste titre : « Être victime de violence c’est fatigant, ça demande TOUTE ton énergie. C’est ta vie et ta survie. Donc en plus si c’est à toi de faire l’effort pour trouver de l’info c’est impossible à gérer ».

Cette appli va aussi plus loin ; elle permet aussi de se signaler en cas d’attaque et d’alerter des proches et la police : « Quand tu es dans l’urgence, c’est ton instinct qui prévaut. L’alerte donne un maximum d’infos aux proches afin qu’à son tour ces personnes puissent renseigner la police ». L’appli est donc une interface fonctionnelle, conçue pour répondre à un danger direct. Cette application entièrement gratuite répond à des profils multiples d’utilisatrices : des femmes qui ont peur dans l’espace public, des joggeuses traumatisées par l’affaire Daval, etc…

One step further

L’appli est aujourd’hui un succès, elle a reçu une distinction au CES à Vegas en 2019 (la grand-messe de l’électronique annuelle) et depuis Diariata a été décorée Chevalière de l’Ordre National du Mérite. Résonantes n’est plus  la petite asso que Diariata a mise en place : aujourd’hui elle représente 12 salariés, 40 bénévoles et une appli téléchargée plus de 60000 fois. Une véritable réussite mais ce n’est pas une raison pour s’arrêter ici. L’association continue sans relâche à répondre aux problématiques soulevées par les utilisatrices : « On n’a jamais rien fait pour rien. Vu qu’on est sur le terrain, en contact avec des victimes de violence : on les écoute. C’est pour ça que l’on ne se trompe pas, on ne teste pas, on répond juste à des problématiques ». Effectivement on est assez loin de la logique consumériste du modèle des applis de la start-up nation : « À partir du moment où tu fais une étude de marché, c’est que soit tu cherches un business, soit tu essaies de vendre une soupe ! Ça n’a pas de sens pour nous. Nous, on répond à des besoins ».

C’est comme ça que Résonantes va plus loin aujourd’hui en créant un bracelet connecté qui peut se substituer au téléphone. Ce bracelet est destiné à des femmes identifiées et qui sont en danger : « Nous notre job, c’est un peu le job du gouvernement : prendre soin des gens et lutter contre les violences ».

Résonantes continue donc son chemin en proposant inexorablement des solutions pour prévenir ces violences, sur plusieurs niveaux et en prenant de plus en plus de hauteur. De la vision prophétique d’une artiste engagée vers une application disponible dans 13 pays, le chemin s’allonge mais la ligne directrice reste la même : « Face aux violences tu n’es pas seule ».

Texte : Julien Rouche // Photos : Résonantes

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