Reportage

Besançon Beauté Institut

La Tente beauté mobile refait une beauté aux corps et aux cœurs.

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À Besançon, la Tente Beauté Mobile donne sourire, confiance et bons plans à ceux qui en ont besoin. Un institut de beauté, une boutique solidaire, et surtout un lieu de partage, monté par une passionnée socio-esthéticienne.

Maureen se fait maquiller, Chantal répond à la sonnette, César fait une blague par seconde et fait rire Akram et Kader à côté de lui dans la grande pièce du local. Dans un coin, François joue de l’accordéon. Un joyeux bordel en pleine après-midi au milieu des produits de beauté et d’hygiène. Bienvenue dans la Tente Beauté Mobile, plantée entre la gare et le quartier des Chaprais à Besançon. Et mettons-nous d’accord dès le début, la Tente Beauté Mobile n’est pas une tente. En tout cas n’est plus une tente. C’est désormais un local dans un appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble caché de la rue de Belfort. Hafida El Mokhtari, qui nous accueille, est la maîtresse des lieux. « On est là depuis mars 2022. On était en itinérance avant. D’ailleurs on l’est toujours un peu ». En effet, la Tente Beauté Mobile est ouverte trois jours par semaine et le reste du temps, Hafida est en vadrouille dans le Grand Besançon. Cette grande quarantenaire aux yeux qui pétillent et au sourire indélébile est socio-esthéticienne. Oui, ça existe. « J’ai été animatrice de quartier, éducatrice spécialisée, j’ai toujours été avec des jeunes et des femmes ». Un jour, elle rencontre une socio-esthéticienne au boulot. C’est le déclic. « J’ai passé un CAP d’esthétique d’abord, puis j’ai fait une école à Tours (le CODES : cours d’esthétique à option humanitaire et sociale, NDLR). C’est un boulot où l’on permet aux gens de se sentir mieux pour s’en sortir mieux ». Car le principe de la tente beauté mobile d’Hafida, c’est d’aller à la rencontre des gens. De préférence ceux aux parcours compliqués. Ceux qui ont perdu confiance. « On bosse avec les plus vulnérables. C’est ça qui est intéressant » ; des centres d’hébergements, des structures médico-sociales, des foyers pour jeunes, pour mères isolées, des maisons de retraite…

Session maquillage avant l’atelier du jour

Édouard Roussel

Boutique, atelier & institut de beauté

Cette Nantaise débarque à Besançon par amour et monte la tente beauté mobile en 2014, forte de ses diplômes et de son expérience. Le but : créer un lieu où on prend soin de soi, où on retrouve de la confiance. « À Besançon, dès le début, j’ai été sollicitée par des structures, des assos » confie Hafida qui ne chôme pas et trimballe son matos tous les jours au contact de ceux qui en ont besoin et envie. Jusqu’à s’installer dans le local de la rue de Belfort en mars dernier donc, après deux années de crise COVID. Un petit appartement en rez-de-chaussée dans lequel on débarque un jour de printemps. La Tente Beauté Mobile version « en dure » c’est une boutique de produits de beauté et d’hygiène. La précarité hygiénique est une réalité, certains font l’impasse sur ce genre de produits pour s’acheter à manger. Chez Hafida, on trouve tout un tas de fournitures pas chères voire gratuites. « Maintenant on est connu. Quand on s’est installé dans le local, les gens nous avaient déjà identifié. En plus on a gagné quelques prix au national, comme le prix de l’initiative solidaire. On s’est fait connaître. Du coup on a des partenariats avec des marques, comme Kenzo ou LVMH, qui nous donnent des produits. On fonctionne avec des dons solidaires. Et pas seulement pour le côté hygiène, on bosse aussi avec les banques alimentaires, Super U, Pimkie… » car la Tente Beauté Mobile, c’est aussi une petite friperie, une épicerie, et surtout un lieu de vie, de rencontres et de rires. Au travers des ateliers notamment. Hafida explique : « La Tente Beauté Mobile, c’est une boutique, un institut de beauté où on se fait pouponner (maquillage, coiffure, coloration…) et aussi un espace d’atelier, où on apprend à se maquiller, à se faire beau, et à confectionner soi-même ses produits de beauté, ses baumes antidouleurs, ses savons… ». Aujourd’hui, ce sont également deux salariés (Hafida et sa collègue coiffeuse) et une quinzaine de bénévoles.

La partie épicerie de la Tente Beauté Mobile : une façon de lutter contre la précarité hygiénique

Édouard Roussel

Crème de la crème

C’est justement pour un atelier que l’on vient, aujourd’hui on a bien l’intention de repartir avec notre propre crème hydratante homemade. Et c’est pour ça qu’il y a tant de monde dans la pièce principale du local, autour de la grande table et sur le canapé. Une dizaine de personnes sans compter ceux qui passent, arrivent en cours de route, repartent, viennent claquer une bise… François, retraité du quartier, met l’ambiance avec ses tubes à l’accordéon, Noémie apporte des gâteaux que sa mère a fait pour tout le monde. Maureen, la vingtaine, profite et se fait maquiller par Hafida avant l’atelier. Chantal accueille les gens qui sonnent à la porte et tient la boutique. César et Akram vivent dans un foyer non loin de là. Les deux jeunes amusent la galerie mais ne prennent pas l’atelier à la légère pour autant. « C’est super important de prendre soin de soi, avant on ne le faisait pas. Maintenant que j’ai rencontré Hafida, je me fais un soin du visage au moins une fois par mois. » confie César entre deux vannes. Maureen enchaîne : « En plus ces produits-là sont chers. Ici on trouve tout moins cher ». « Si on a la volonté, elle nous aide, et avec le sourire. Parce qu’Hafida, c’est le sourire. Elle est toujours de bonne humeur » conclut César. Kader, lui, est venu pour se faire faire un petit soin du visage par Hafida. Cet ancien videur de discothèque au physique de rugbyman enfile une charlotte et se fait masser les joues sans bouder son plaisir : « Ah ! C’est le bonheur. C’est comme prendre un bain, mais en mieux ».

Des ateliers menés dans la joie et la bonne humeur

Édouard Roussel

Un lieu de vie et de rencontres

Des jeunes, des vieux, des femmes, des hommes (à hauteur de 30 % à fréquenter le lieu contre toutes idées reçues) des migrants, des voisins… Les gens arrivent s’assoient, discutent… Hafida lance l’atelier. Personne n’est très attentif, les gens sont là pour passer un bon moment. L’atelier, c’est le bonus. Hafida anime dans la bonne humeur entre la bonne copine quand il s’agit de se marrer, et l’instit’ quand il faut recadrer la joyeuse troupe. Mais tout le monde fini quand même par apprendre à se faire une crème de jour, et aussi un savon, avec du « melt and poor », du charbon… On fait notre petite cuisine avec casseroles et ustensiles sur la grande table, on met ça au frigo… Entre-temps, on mange des glaces, on fait des pauses sur la terrasse à côté du petit potager monté par l’équipe, on discute, on écoute François jouer et nous parler de l’histoire de l’accordéon (qui a été inventé en 1870 à Vienne, pour le chromatique. Le diatonique, c’était en 1910, un peu de culture ne fait jamais de mal) et de ses tournées de l’époque. Tout le monde ensemble, sans discrimination, avec bienveillance. On apprend, on rigole, on oublie les problèmes du quotidien, qui sont clairement laissés devant la porte par tout le monde. On se fait beau, ça c’est important. Et on écoute Hafida, qui a toujours quelque chose à dire et un peu de soleil à partager.

Hafida et son sourire indélébile

Édouard Roussel

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