Reportage

École post-bac cherche locaux spacieux proche sud Bourgogne

Deuxième épisode du feuilleton avec nos jeunes entrepreneurs qui préparent l'ouverture d'une école d'enseignement supérieur.

PARTAGEZ

Les choses se précisent pour l’Institut de la Ruralité, cet audacieux projet d’école post-bac implanté en pleine campagne bourguignonne. Imaginé par cinq jeunes entrepreneurs, le projet s’affine et se concrétise. Alors aujourd’hui on se demande : comment ça avance votre machin ?

Ça faisait un bail qu’on ne les avait pas revus. La dernière fois, c’était lors d’une journée studieuse d’un séminaire organisé par Le T, incubateur bourguignon d’entreprises engagées. Accompagné par Le T depuis septembre dernier, le projet de Guillaume, Marie, Valentin, Benjamin et Axelle avance bien, et même très bien. Ils planchent sur la com’, s’engueulent (un peu), cherchent des locaux et rencontrent les acteurs du territoire.

Axelle Coumert, 33 ans : « Pour moi dans ce projet il y a presque un intérêt affectif. Ça me plait de bosser avec eux. Depuis 10 ans que je les connais, on s’était toujours dit qu’on devrait créer une école et là on est en train de concrétiser ce projet ».

Édouard Roussel

L’incubateur Le T : faire germer les idées

Guillaume Morael, 40 ans dont quelques années passées à Sciences-Po, connaît bien ces structures d’aide à la création d’entreprise : « Les incubateurs, ça fait 12 ans qu’on en entend parler à longueur de journée, il y en a partout et beaucoup. Certains d’entre eux, disons-le franchement, sont un peu des pièges à con faits pour contenter tout le monde ; ça permet à l’État et aux collectivités d’annoncer qu’ils s’activent pour l’emploi. Ils se congratulent du nombre d’entreprises propulsées mais personne ne semble s’inquiéter de celles encore en vie cinq ans après. Il y a aussi cette idée des politiques, presque un fantasme, qui veut que pour résoudre le problème du chômage, tout le monde n’a qu’à devenir entrepreneur ».  C’est presque devenu un poncif, tout le monde peut devenir entrepreneur grâce à toutes ces applis disruptives qui assurent que le moindre passe-temps peut déboucher sur un métier : par exemple, faire des savons dans sa cuisine et les vendre sur Etsy ou Facebook Market. Fortune et gloire sans bouger de chez soi. 

Marie Ploquin : « En ce moment ça carbure ! On est à un an de l’ouverture et de la première rentrée académique ! Ça arrive vite, à partir de décembre il faut qu’on lance notre campagne de recrutement et qu’on arrive à se créer une audience ».

Édouard Roussel

« Quand on a vu passer l’info sur l’existence du T, on a d’abord été prudent, se souvient Guillaume. Mais on a très vite compris que c’était un incubateur très bien construit et chapeauté par des acteurs sérieux. Ce ne sont pas des organisations qui sont nées il y a trois ans pour surfer sur la vague « social business » ou qui vont vous expliquer comment on va sauver les ours polaires avec une appli ». France Active d’abord, qui est un gros financeur de jeunes pousses, mais aussi Active 71 qui possède une expertise sociale et solidaire très forte sur le territoire, ou encore la Fédération des Foyers Ruraux de l’Yonne qui a quand même le nom le moins « start-up nation » qu’on puisse trouver. « Par exemple, on a beaucoup travaillé avec Myriam Bissonnet des Foyers Ruraux de l’Yonne, qui a une grande connaissance des besoins et des enjeux en milieu rural. Elle nous a rappelé l’impérieuse nécessité de tisser des liens très forts entre un projet, les porteurs de projet et le territoire sur lequel on veut s’implanter. Et pour le dire clairement, elle nous a tiré les oreilles en nous disant que sur l’ancrage territorial, on n’était pas crédible. Du coup, elle nous lançait des défis : 10 jours pour aller chercher des manifestations d’intérêt d’acteurs du territoire où l’on voulait s’implanter, que ce soit des élus ou autres, sinon on ne pourrait pas intégrer l’incubateur ! » Visiblement, le défi a été relevé avec succès.

Guillaume Morael et Benjamin Destremeau, sans distanciation sociale.

Édouard Roussel

« On va lancer une première séquence de com’ sur l’idée d’un manifeste »

Ces derniers temps, l’équipe s’est aussi creusée les méninges pour lancer leur communication. « Comme on ne savait pas trop comment s’y prendre, on est allé chercher de l’aide, explique Guillaume. On s’est dit que sur un plan de com’ à 15.000 euros on pouvait peut-être se payer un consultant. Grâce au réseau de l’incubateur, on a rencontré Adrien Hembise, de l’agence Majava. Il nous a suggéré d’angler notre communication sur un propos « politique ». D’en profiter pour expliquer notre vision de la formation post-bac : l’alliance de la formation intellectuelle et manuelle, c’est-à-dire d’arrêter de fabriquer des intellos qui ne savent pas se servir de leurs mains… et réciproquement. L’autre aspect, c’est notre vision de la méthodologie pédagogique. Il faut arrêter d’être sur des savoirs descendants. Sur certaines choses ça se tient, mais sur de la gestion de projet, des enjeux de territoires, on pense que l’expérimentation est une meilleure approche. » Car oui l’idée sous-jacente de leur l’Institut de la Ruralité est de former les jeunes à être des acteurs locaux du changement. Ils veulent taper dans le concret. Guillaume en est convaincu : « On pense que c’est par l’entrepreneuriat qu’on pourra engager un changement radical sur des questions sociales et économiques. »

Guillaume Morael, en visite à l’ancienne école communale de Tramayes, en Saône-et-Loire.

Édouard Roussel

Ancrage local

Enfin, s’il y a bien un sujet qui torture les méninges des cinq entrepreneurs, c’est le lieu où implanter leur école. Cette question a plongé Guillaume dans les abîmes de la perplexité : « On a identifié trois lieux qui pouvaient correspondre à nos besoins en termes d’infrastructure : des châteaux, des écoles ou d’ancienne fermes. » Un château, carrément ! Certes, ça claque sur la plaquette mais ce sont de vrais gouffres financiers. Il y a toujours des tuiles qui se barrent, un mur qui s’effondre ou une fouine à déloger d’un grenier. « Et puis ça ne renvoie pas forcément la bonne image. Notre projet d’école est tourné vers l’idée du travail. Une ferme ou une ancienne école, ça colle quand même mieux à notre vision des choses. » Et parfois, il arrive qu’une opportunité vous tombe dessus pour devenir une évidence. « Quand j’ai appris que l’école de mon fils allait déménager, j’ai eu l’idée de solliciter le maire de Tramayes, à l’ouest de Mâcon. Je lui ai tout simplement envoyé un mail et un quart d’heure après il m’a rappelé, tout est allé hyper vite. L’ancienne école communal de Tramayes coche énormément de cases pour nous. Mais ce qui nous a épaté chez tous ceux que nous avons démarchés, c’est que les gens nous accueillaient à bras ouverts, avec beaucoup de bienveillance et d’intérêt pour notre projet. Par exemple, Michel Maya, le maire de Tramayes, on le sent très réactif, très enthousiaste. Il voit dans notre projet des emplois pour sa commune, des locations, de l’activité, du dynamisme social et culturel. » L’équipe se laisse quand même jusqu’à la fin du mois de mai pour trancher. Mais l’idée de voir leur Institut s’installer dans une ancienne école communale semble tomber sous le sens.

Texte et photos : Édouard Roussel

D’AUTRES ARTICLES À DÉCOUVRIR

6994