Quoi de meilleur qu’un bon œuf fermier ? Quoi de mieux que de savoir que ce qu’on a dans notre assiette vient d’une ferme locale à deux pas de chez soi ? Pas grand-chose. Et l’équipe de Solidarité Paysans est d’accord avec nous. Cette association de bénévoles s’engage à apporter de l’aide à des agriculteurs et agricultrices en difficulté, qu’elle soit financière, économique ou morale.
Au milieu d’un parc dijonnais, sur un banc, réchauffé par les rayons de soleil apparemment pas si rares en octobre, je rencontre Marc Grozellier et Jean Duclaux, respectivement président et animateur de la branche bourguignonne de l’association Solidarité Paysans. Nous garons nos vélos à côté du gymnase Chambelland où ils sont venus recevoir le prix de la Meilleure Initiative Bénévole. Au milieu des platanes et de la répétition de leur discours de remerciement, nous évoquons les débuts de l’association : « Nos amis Franc-Comtois ont commencé y’a une trentaine d’années. L’association était faite de gens qui étaient déjà en difficulté et qui ont décidé qu’il fallait faire ensemble pour trouver une issue à leur situation. Et c’est eux qui ont mis en route le mouvement dans la région. » De cet engouement naît la branche bourguignonne en 2014, formée par des bénévoles de tous domaines souhaitant aider le milieu agricole : « Le monde paysan est très vaste en activités, ça demande plein de compétences, donc dans les bénévoles on a des gens de tous les milieux. On a des conseillers de gestion, qui font de la comptabilité. On a des gens qui étaient dans l’administration agricole. On a aussi des médecins, des gens de la santé, on a même des ecclésiastiques, des curés ». Tout ce panel de personnes s’est engagé auprès de Solidarité Paysans pour aider des agriculteurs et agricultrices qui font face à des difficultés qui mettent en péril leur activité.
Notre volonté première, c’est la volonté humaine. Notre action est gratuite, et puis c’est sous la forme d’une main tendue à des gens qui attendent qu’on les écoute et qu’on les aide à rebondir et à repartir.
Marc Grozellier et Jean Duclaux souriants, quelques minutes avant de recevoir le prix de la meilleure initiative bénévole.
Paul Dufour

Tensions dans les stabulations
C’est devenu presque un lieu commun de dire que le monde paysan est aujourd’hui pressurisé et précarisé. Pour Marc, ce n’est pas nouveau : « L’activité a toujours été plutôt tendue. Le problème qu’on a en agriculture aujourd’hui, c’est une pyramide des âges qui fait que globalement les responsables des structures agricoles sont vieillissants. Et on a devant nous un renouvellement qui est à considérer, avec des gens qui cessent avec difficulté et des jeunes qui débutent avec des situations compliquées à mettre en place ». Mais parce que la meilleure preuve est celle que l’on voit, on prend notre voiture et on s’aventure dans le sud de la Côte d’Or, à Aubaine, pour aller rencontrer Adeline et Tristan Nabillon, un couple qui a installé sa ferme de cochons en plein-air en 2016. On traverse les belles plaines du canton d’Arnay-le-Duc qui montent au petit hameau de Crépey. On est accueillie par Adeline et ses deux enfants, ainsi que leurs deux chiens, et puis Tristan, déjà à la ferme depuis l’aube, nous rejoint dans la cuisine pour parler autour des seuls bonbons qui ont survécu à Halloween : « On est tous les deux hors cadres, on n’est pas issus du milieu agricole. Mon arrière-grand-père était agriculteur, mais j’ai pas eu le droit de prendre la ferme, vu que j’étais une fille, il fallait que j’aille dans les bureaux. J’ai obéi, j’ai fait des études de compta, je me suis dirigée dans les travaux publiques après et de fil en aiguille j’ai fait mon chemin. Et puis j’ai rencontré Tristan, y’a eu le déclic, on a voulu monter la ferme ». Le coup de foudre, et ils montent une belle ferme. Mais les choses se compliquent au bout d’un an après l’achat : « On a fait un an de travaux pour lesquels on a fait un prêt bancaire. Et on a eu des problèmes car au bout d’un an, on n’avait pas fini les travaux, on n’était pas prêts à faire la vente, mais les premières traites tombaient. On a eu du mal à démarrer les ventes, et puis on n’avait pas encore vraiment notre organisation ». S’en suit un effet boule de neige, une incompréhension des établissements bancaires qui fait crouler Adeline et Tristan sous le poids des dettes : « On devait, toutes choses confondues, 5 000 euros à la banque. Nos comptes ont été bloqués, donc je ne pouvais rien faire. Je ne pouvais même plus payer l’abattoir. Sauf que si je n’ai pas d’abattoir je ne peux pas récupérer mes cochons, donc je ne peux pas vendre. »

Adeline et Tristan Nabillon, dans leur ferme à Crépey
Paul Dufour
SOS Paysans
Face à la situation, Adeline appelle sans réfléchir Solidarité Paysans, une association dont lui a parlé un collègue. Leur cas est pris en charge pas Annick et Jean-Luc Gérard, bénévoles de l’association qui vont œuvrer pour renouer le lien entre le couple d’agriculteurs et leur établissement bancaire. Solidarité Paysans prend rendez-vous avec le conseiller bancaire pour faire le bilan. Adeline nous raconte : « Les deux bénévoles qui nous accompagnaient sont venus une première fois à la ferme, et après c’est eux qui ont organisé les rendez-vous avec la banque, ils ont décidé de nous trouver un autre conseiller. Ça a permis de recréer la discussion dans une atmosphère très tendue. » Les valeurs de Solidarité Paysans sont très claires, comme nous les résume Marc Grozellier « Notre volonté première, c’est la volonté humaine. Notre action est gratuite, et puis c’est sous la forme d’une main tendue à des gens qui attendent qu’on les écoute et qu’on les aide à rebondir et à repartir. Y’a des gens qui disent : Quand le fruit était pourri, fallait qu’il tombe de l’arbre. Nous ça nous intéresse de voir ce qu’on peut faire avec ces fruits ». L’association souhaite recréer du lien entre des paysans isolés : « Culturellement les paysans sont victimes du système car ils deviennent tous plus concurrents que collègues. Donc nous on essaye de faire vivre d’autre valeurs, ce n’est pas instinctif le système de « faire ensemble », il faut le travailler. » Après deux aides de Solidarité Paysans, et une remise sur pieds de leur ferme, Adeline est formelle : « On sait que si on a un problème, n’importe lequel, ils décrochent, ils nous écoutent et ensuite ils mettent les personnes en face qui peuvent nous aider. Et surtout, ils ne te stigmatisent pas. Solidarité Paysans ne nous affiche pas. »

« Tout homme a dans son coeur, un cochon qui sommeille » Charles Monselet
Paul Dufour
Ce projet, il est beau, il est important mais il est nécessaire de le porter. Marc et Jean se questionnent sur l’avenir car ils sentent venir une période charnière où les demandes vont s’accroître avec la prise de retraites des anciens et l’installation de la nouvelle génération. Ils veulent donc mettre en valeur l’association pour montrer aux agriculteurs qu’une aide est accessible pour eux mais aussi pour se rendre visibles auprès de possibles nouvelles recrues dans le rang des bénévoles : « C’est important de s’engager car ce sont de belles expériences, de beaux échanges. Moi, j’ai été paysan, sortir de ma campagne pour aller voir ce qu’il se passe chez les autres c’est vraiment enrichissant. », nous explique Marc. Donc on vous engage à faire appel à Solidarité Paysans pour vous faire aider ou pour aider à votre tour.
Pour ça, rendez-vous sur leur site :
https://solidaritepaysans.org/solidarite-paysans-bourgogne-franche-comte/bourgogne
Ou par téléphone : 06 38 05 28 37 ou par mail : bourgogne@solidaritepaysans.org
Texte & Photos : Paul Dufour