Le FRAC (Fond Régional d’Art Contemporain) de Besançon s’est donné la mission de décloisonner l’art contemporain, en l’emmenant sur les routes dans un camion de 20 m3 qui sillonne la Franche-Comté. On vous emmène avec nous…
Vous voyez à peu près la taille d’un petit camion de déménagement ? Vous n’êtes pas loin du compte avec le camion du FRAC baptisé Satellite. En tout cas sur la base, car ce véhicule a été conçu par l’architecte et plasticien Mathieu Herbelin en 2015 afin de recevoir de l’accrochage d’œuvres (photos, vidéos, dessins…). Et cela ne s’arrête pas là car il est également doté d’un système son et vidéo, de vitrines modulables et d’une rampe d’accès pour les personnes à mobilité réduite. Matthieu Herbelin s’est inspiré directement des bibliobus de son enfance, vecteurs de culture dans des endroits esseulés, pour concevoir le projet : « Il s’agissait de penser un dispositif qui permette de se rapprocher d’un public ne faisant pas spontanément la démarche de se rendre dans un lieu d’art ». Il en résulte une véritable expérience : le Satellite se déploie et se transforme dès son arrivée : « Son design extérieur est né du croisement improbable entre l’univers forain, les panneaux solaires des satellites et de l’origami, dans l’objectif de produire un objet identifiable à l’image des Food-trucks ou encore des robots Transformers… ». Maintenant vous savez qu’Optimus Prime vit dans le Haut -Doubs.

Le camion « Transformers » imaginé par Matthieu Herbelin
Nicolas Waltefaugle
Cette transformation prend tout son sens sous les yeux du public : les œuvres sortent de leurs caisses et sont déballées et accrochées à l’intérieur du camion par l’équipe du FRAC. Émilie Fabre, assistante technique des expositions du Satellite nous en dit un peu plus : « Au moment de la conception de l’exposition, je vais avoir un regard sur les œuvres. Celles que l’on va pouvoir choisir par rapport aux dimensions et au poids notamment ». Pas facile de faire tout rentrer dans un 20 m3 ! Émilie ajoute : « Nous sommes également soumis à un protocole d’exposition. Nous devons parfois faire des concessions sur la hauteur à laquelle on désire exposer les œuvres, ou la manière dont l’accrochage est réalisé. Je réalise donc des propositions scénographiques sur des modèles 3D afin de valider avec les artistes ». Pour le public cette transformation est parfois assez déconcertante : « Les gens ont la vision du bibliobus, mais quand ils voient la transformation, ils pensent que c’est la bétaillère du futur ! ».
Le satellite est beaucoup demandé par les établissements scolaires, mais aussi par les municipalités et les bibliothèques
Nicolas Waltefaugle

Pour Sylvie Zavatta, directrice du FRAC, le Satellite représente une : « Une première vraie rencontre avec l’art contemporain » et s’adresse autant aux institutions publiques, aux collectivités territoriales, établissements scolaires et différents acteurs sociaux. Cela fait partie du sacerdoce du FRAC : « le Frac Franche-Comté n’a cessé de travailler avec des partenaires régionaux dans le cadre de prêts d’œuvres ou d’expositions de sa collection », le Satellite est donc la continuité de la politique du FRAC instiguée depuis sa création en 1982.
Mais comment ça marche dans les faits ? Des municipalités et même des associations peuvent solliciter le FRAC pour venir avec le Satellite dans les villages. Maude Marchal, chargée de la diffusion et de la collection, nous confie : « On travaille autour du public associatif, des élus locaux, des parents, des enseignants en amont du travail avec les élèves ». Car c’est dans le cadre scolaire qu’il est le plus sollicité : « Le satellite du Frac est beaucoup demandé en zone blanche. C’est-à-dire à plus d’une heure de route d’un lieu ressource, dit de culture ». Ce sont les équipes pédagogiques qui sont les plus friandes du dispositif. Le public est accueilli en petit groupe par un médiateur afin de présenter le satellite, les œuvres et établir un temps de dialogue : « Cela permet aussi de capter des publics qui n’ont jamais entendu parler d’art contemporain et qui passaient par là par hasard ». Ludovic, élève de CM1, a été instantanément séduit par le Satellite : « Le camion a des formes en dehors, on dirait une œuvre au milieu de la cour ». Tristan, élève de la même classe ajoute : « C’est impressionnant de voir des œuvres d’arts ».
« Le but c’est de faire découvrir le monde de l’art contemporain pour donner envie au public de se rendre dans un musée »

Des municipalités et même des associations peuvent solliciter le FRAC pour venir avec le Satellite dans les villages.
Nicolas Waltefaugle
Chaque année une exposition nouvelle est présentée dans le satellite. Après le cosmos, c’est à la nature d’être mise en avant depuis deux saisons. L’exposition offre un regard croisé via trois artistes : Éric Poitevin, Marie Laet et Loïs Weinberger qui proposent une approche poétique de la nature. Pour Sylvie Zavatta, cette exposition s’intègre une fois de plus totalement dans la mission du Satellite : « Une dynamique centrifuge qui a vu de nombreuses étapes depuis 2015 : Fauverney, Saint-Aubin, Salins-les-Bains, Labergement-Sainte-Marie, Moirans-en-Montagne, Héricourt… ». Le Satellite vient de terminer sa boucle, et est actuellement au garage pour la préparation de l’exposition 2022 qui s’entamera en mars prochain. Un temps de pause qui permettra aux équipes de préparer une saison 2022 encore plus riche de rencontres, en ruralité.
Texte : Julien Rouche // Photos : Nicolas Waltefaugle
