Feuilleton

L’Institut de Tramayes Saison 1, épisode 3 : Fini la gamberge, place à l’action

5 jeunes entrepreneurs ont décidé de créer une école post-bac ambitieuse et innovante au fin fond de la Saône-et-Loire. On vous raconte.

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Après avoir "chiadé" pendant de long mois leur projet d’école post-bac sur des Google Slides et des PowerPoints, place maintenant au concret, au dur du sujet. Il leur fallait un lieu, ils l’ont enfin trouvé : ce sera l’ancienne école communale de Tramayes. Il leur fallait un nom, ce sera tout simplement : l’Institut de Tramayes. Mais il reste encore pas mal de boulot à l’équipe pour être prête à accueillir leur première promo en septembre 2022.s

Tramayes,  une sympathique bourgade de 1060 habitants entre Cluny et Mâcon. 

Édouard Roussel

Tramayes, vous connaissez ? Une sympathique bourgade de 1060 habitants entre Cluny et Mâcon. La ville a ses charmes : son église romane, des bistrots, une épicerie baptisée « Pain-vin-fromage-fleur » (on n’en demande pas plus), une boulangerie (« À la bonne croûte »), un château carré et le signal de la Mère Boitier, l’un des points culminants du Mâconnais. Il y a 2 ans l’école communale fermait. Mais ça ne sera que temporaire ! Cette petite école champêtre va faire sa mue pour devenir cet institut rural et innovant imaginé par Guillaume, Valentin, Marie, Axelle et Benjamin. « Lorsque nous avons découvert leur projet, il y avait des points d’interrogation, se souvient Michel Maya le maire de Tramayes. C’était un dossier atypique mais très original. On a pu rapidement organiser un rendez-vous avec les porteurs du projet et on s’est rendu compte que nous avions des intérêts partagés, particulièrement sur la transition écologique. Et puis, ça nous permettait de redonner du sens à ces bâtiments ». Ce qui a aussi séduit Michel Maya c’est le concept particulier de l’Institut : « Vouloir implanter une école d’enseignement supérieur en milieu rural avec des cours théoriques et un fort aspect pratique, ça nous semblait très intéressant ». Michel Maya, qui fût lui-même professeur à l’ENSAM (l’école des Arts et Métiers de Cluny qui forme des ingénieurs) voit d’un œil bienveillant la méthode pédagogique prônée par l’Institut : apprendre en faisant. « C’est ce qu’on appelle de l’enseignement inversé : de l’apprentissage par le projet. C’est très différent de l’enseignement descendant comme j’ai pu le pratiquer tout au long de ma carrière à l’ENSAM. Mais c’est vraiment dans l’air du temps ; beaucoup de personnes veulent revenir à des métiers plus manuels et des choses plus concrètes. Cette nouvelle pédagogie fait totalement partie de l’évolution de l’enseignement ». Séduite, la municipalité leur déroule pour ainsi dire le tapis rouge ; pour le maire, l’Institut de Tramayes pourra être un élément important de développement économique et social pour la commune : « J’y crois beaucoup, on a en face de nous une association (Arc-en-ciel, NDLR) et des jeunes entrepreneurs qui se bougent ».

L’école communale convertie en institut de la ruralité

Marie Ploquin

François Hollande et Foire aux Veaux

Ça pour se bouger, ils se bougent. Valentin Bertron, l’un des jeunes porteurs du projet l’annonce plein d’enthousiasme : « On vient d’être labellisé Fabrique de Territoire par l’Agence Gouvernementale de Cohésion Territoriale. Pour nous, cela débloque une aide financière sur trois ans qui nous permet d’être un peu plus sereins sur le montage du projet ». Mais au-delà de ces subventions sonnantes et trébuchantes, l’équipe de l’Institut y voit aussi la reconnaissance du sérieux de leur projet. « Pour cet appel il y avait quand même 300 candidatures pour seulement 15 places ! Prévient Valentin. On est vraiment très contents d’avoir été retenus ». Autre motif de satisfaction, en septembre dernier, durant le VYV Festival à Dijon, l’Institut de Tramayes a même tapé dans l’œil de Damien Baldin, Directeur général de la Fondation la France s’engage. « Il connaissait Tramayes et il a trouvé notre projet super, se souvient Valentin. C’est vraiment très flatteur pour nous, parce que son métier justement c’est de regarder et d’évaluer des projets à longueur de journée. Cette fondation, parrainée par François Hollande, aide au développement de projets installés depuis au moins 3 ans avec des budgets d’au moins 80 000 euros et qui sont dans une réflexion pour essaimer leur modèle. Nous, on ne rentre pas dans ces critères, mais c’est quand même très encourageant ». Damien Baldin a même pris une journée de son temps pour venir visiter Tramayes et écouter l’équipe lui présenter son Institut. « Il nous a donné plein de conseils et plein de contacts comme l’Association Chemin d’Avenir qui accompagne des jeunes en milieu rural dans des études supérieures. On sait que si un jour on a besoin de financements pour se développer on pourra taper à la porte de cette fondation ». Un peu moins glam’ mais pas moins intéressant, invités par le maire de Tramayes à la foire aux veaux de la Sainte Catherine ! Valentin, Guillaume, Benjamin et Marie ont pu présenter leur projet aux élus du territoire. Alors ok, la foire aux veaux de Tramayes ça claque moins qu’un Talk à la TEDx ! Mais ça fonctionne aussi.

L’institut de Tramayes en live lors de la dernière édition de VYV Festival

Lucie Ley

La rentrée des classes

Pour leur première promo, l’Institut de Tramayes se fixe un objectif de 25 à 30 étudiants.  « J’imagine un étudiant ou une étudiante qui a commencé des études de socio et qui s’est perdu en route…, plaisante Benjamin Destremau. « On cherche des jeunes qui viennent d’avoir leur bac, ou qui sont en pleine réorientation et surtout qui ont envie de s’engager ». Guillaume Morael précise : « Des jeunes curieux du monde qui ont du goût pour l’action, pour le travail manuel et une culture de l’action collective. Aujourd’hui de plus en plus d’artisans indépendants travaillent ensemble sur un modèle de coopérative ». La pédagogie de l’Institut veut amener les étudiants à se poser des questions sur la place de leur travail in situ : comment être connecté à un territoire et mêler un travail plus en adéquation avec leurs convictions qu’elles soient économiques, sociales ou écologiques par exemple. « La première année on veut leur apprendre à penser… » continue Benjamin. « Avec des cours de philo, de socio, de droit civil, d’histoire ou de géo, mais aussi par la découverte des différents métiers manuels ». Au programme, découverte de la menuiserie, de la métallerie, des métiers de l’agriculture, du bâtiment : de l’électricité à la plomberie. Tout ce qui fait l’économie d’un petit village de campagne ! Le tout complété par deux stages, l’un en entreprise, l’autre dans une association ou une collectivité territoriale.

Pour bien commencer l’année, l’équipe a présenté son Institut au Salon de l’étudiant du 7 au 9 janvier à l’Eurexpo de Lyon. Malgré les tarifs prohibitifs infligés aux exposants, ce salon est « the place to be » ! Ils prévoient aussi de participer au salon Primevère  dédié à l’alter-écologie en février. C’est forcément plus ciblé, mais pas moins intéressant. « On cherche des étudiants concernés par les enjeux de société, explique Guillaume, donc il me semble assez logique d’y trouver des jeunes gens intéressés par les questions de transition écologique voire sociétale. C’est ce public qu’on espère intéresser »

« Maintenant y’a plus qu’à.. »

Marie Ploquin

De gros chantiers en perspective donc. L’équipe va devoir se retrousser les manches et se creuser les méninges : comment convaincre les millenials que l’Institut de Tramayes est plus classe que Poudlard ? Comment organiser un micro-campus communal ? Y aura-t-il des cours d’économie volatile du NFT ? Est-ce que coach sportif dans le métaverse est un vrai métier ? Autant de défis à relever dans les prochains épisodes…

Texte : Édouard Roussel
photos
: Édouard Roussel / Marie Ploquin / Lucie Ley

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